Les gendarmes ont le moral en berne. Une trentaine de rapports hiérarchiques, mis en ligne sur le forum du site «Gendarmes et Citoyens», font état de leur malaise. Suivant les départements, le moral des troupes y est qualifié, au mieux, de «stable», au pire de «fortement dégradé», et le plus souvent de «mauvais» et voué «à se dégrader dans les douze prochains mois». Bref, ils en ont «ras le képi», comme le résume un post. Ces rapports sont traditionnellement rédigés en vue du séminaire annuel réunissant chaque année en novembre, à Montluçon (Allier), les cadres de la gendarmerie, en présence des ministres de l'Intérieur et de la Défense, et qui se tiendra cette année du 12 au 14 novembre.
Au chapitre des récriminations, on trouve, en vrac, le «manque de considération et de reconnaissance», les inquiétudes sur le salaire, les retraites et le maintien des effectifs, la dégradation des casernes «à la limite de l'insalubrité», le sentiment d'être les «laissés pour compte», «la pression induite par l'instauration de la "culture du résultat", parfois au détriment de l'efficacité».
Apparaît surtout, en filigrane, le malaise vis-à-vis de leurs collègues de la police, évoqué plus ou moins directement : le rapport du Tarn soulève ainsi le problème de «la parité police-gendarmerie», ou du «manque de disponibilité de certains services publics avec lesquels notre gendarme tarnais travaille quotidiennement».
Celui du Finistère y va plus franchement: «Les gendarmes prennent conscience que finalement, accepter de servir l'Etat en consacrant plus de temps que leurs homologues policiers à la mission, ne leur rapporte rien puisqu'ils passent systématiquement après ceux qui ont un pouvoir de nuisance sociale.» Et de railler au passage le slogan de Sarkozy: «Le désormais célèbre slogan "travailler plus pour gagner plus» est en contradiction flagrante avec la réalité des heures exercées par les gendarmes par rapport aux policiers : ceux qui gagnent le plus en sécurité publique sont ceux qui en font le moins !", rapporte le colonel Henry, commandement du groupement de gendarmerie départementale du Finistère. «Les gendarmes déplorent que les policiers, dont le temps de présence au travail est plus faible que le leur, voient une partie de leurs heures supplémentaires payées quand il est estimé que les militaires peuvent bien attendre», poursuit-il.
Du côté le la police nationale, on apprécie moyennement la charge: sur le forum du site internet du Syndicat national des officiers de police (Snop), le syndicat majoritaire, les commentaires du fil intitulé avec une certaine ironie «malheurs gendarmesques» oscillent entre compréhension, sur le mode «on est tous dans le même bateau», et rancœur affichée: «Ils rejettent leur frustration et leur haine sur (nous). Normal?», témoigne ainsi un officier de police.
Le 15 novembre, au lendemain du séminaire de Montluçon, Nicolas Sarkozy réunira à La Défense (Hauts-de-Seine) 1800 policiers et gendarmes pour leur présenter ses «grandes orientations pour la sécurité», ainsi qu'il le faisait du temps où il était lui-même ministre de l'intérieur. En attendant, les gendarmes, interdits d'expression syndical en raison de leur statut de militaires, s'interrogent sur leurs moyens de pression vis-à-vis du gouvernement. Sur le forum, certains évoquent alors l'épisode de 2001, quand ils étaient descendus pour la première fois dans la rue.
moi oui .